Le tailleur gris et le chignon platine de Kim Novak scintillent dans l’obscurité. Elle halète, elle hurle, elle tombe, laissant James Stewart les bras ballants, et Brian, bouche bée. 1958. Brian De Palma, à peine 18 ans, vient de voir le nouveau Hitchcock, Vertigo, et ne s’en remettra jamais. Durant l’été, sa mère persuade le gamin bricoleur de suivre son père pour le surprendre en plein adultère. Brian s’exécute, traque pendant plusieurs jours papa, avec appareil photo et magnéto, jusqu’à effectivement le coincer avec sa maîtresse. Grâce à lui, maman, «une femme fatale, comédienne très sexy, obscure et manipulatrice», obtient le divorce.
D'Obsession en Pulsions ou Furie, le cinéma de De Palma est parfois réduit par les connaisseurs à un jeu de l'oie des traumatismes enfantins. La filature de papa : rendez-vous à la case voyeurisme et machination. Case explosions de violence et filets de sang : son père, chirurgien orthopédiste, invite Brian à assister à une amputation, lui laissant entre les mains la jambe encore frémissante. Case schizophrénie : la folie de son frère aîné Bruce, aujourd'hui mort, surdoué dont ses parents adulaient le cerveau, physicien brillant et paranoïaque profond. «Il était complètement cinglé, diabolique. Ma mère s'est uniquement focalisée sur lui : elle nous a ignorés, moi et mon petit frère, ça nous a sauvés. Nous étions le champ de bataille de nos parents. Ce n'était pas une guerre ouverte, mais quelque chose qui suintait derrière la froideur, une t