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Libération
Portrait

La tête et l'aiguille

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publié le 2 juillet 2002 à 0h16

C'est un manteau normalement quelconque. Noir, bien coupé, bien fini. Un basique sur lequel ont muté des choses bizarres. Des résidus de gros grain prélevés sur un gilet d'homme ont colonisé le col. Au bas des manches tiennent encore à un fil les lambeaux bariolés d'un costume traditionnel anatolien. Un manteau de rien du tout, qui, mine de rien, raconte comment la mode occidentale a étouffé, avant de la piller allègrement, la culture vestimentaire ethnique.

Son créateur, Hussein Chalayan, est lui-même un type au physique normalement quelconque. Taille moyenne, calvitie naissante, parka couleur passe-muraille, look passe-partout. Bien que «créateur» et londonien de surcroît, Hussein Chalayan n'est pas à la mode. D'ailleurs, il se fout des tendances comme de sa première chemise. Il n'essaie pas de prendre une saison d'avance sur l'air du temps ni ne cultive son image, il fabrique des vêtements. Parfois immettables, souvent bouleversants.

A cet égard, sa première ligne masculine, qu'il montre à Paris ces jours-ci, est un excellent point d'info sur les dix ans écoulés. Une collection baptisée «Absence et présence», marquée par «la valeur symbolique d'échange du vêtement», avec «des pantalons qui ont été des chemises dans une autre vie, et des fringues comme tombées d'on ne sait où».

Des habits suppléments d'âme, une garde-robe pour passagers apatrides en transit entre passé et futur, taillée sur mesure pour un siècle marqué par des conflits qui n'ont cessé de jeter des milliers de

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