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Libération
Portrait

Mortel travers

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publié le 22 juillet 2002 à 0h28

Sur une petite route de montagne, un dimanche très tôt, Jean-Hugues Anglade a trouvé la mort. A 13 ans. Devant ses yeux, deux voitures se percutent violemment. Il y eut d'abord un silence. Puis «un séisme de souffrance qui sort du sol». Le chauffard, saoul, «était retourné et gueulait». «J'ai vu deux vieilles personnes avec les visages tout bleus. Ma mère a pris leur pouls pour vérifier qu'ils étaient morts. Il y avait un petit chien que j'ai réussi à sortir de la voiture. A côté, un petit jeune homme qui devait avoir 19-20 ans, mais qui criait comme un enfant.» Par terre, des cageots d'oignons, des chaussures. «Les flics sont arrivés, l'un d'eux a dit : "On n'est pas sortis de ce merdier." Parce qu'on ne savait plus où étaient la tête, les pieds.»

Adolescent, Jean-Hugues s'est pris la mort en pleine face. «A ce moment, il m'est apparu très clairement que la vie avait un fond de cauchemar.» «Progressivement, j'ai vu la mort s'installer partout. Comme une inondation ; elle inonde la vie.» Comme dans cette pièce qu'il met en scène en 1984, une adaptation de Marlowe, à Nanterre, où l'eau monte graduellement et envahit peu à peu la scène. «A partir de là, je n'ai plus pensé qu'à ça. Que le soleil à la verticale de midi pouvait être meurtrier.» Ainsi, alors qu'il vient de passer quelques jours au bord de la mer, il glisse : «Je respirais mal, parce que le soleil est très violent.» Bien sûr, il y a des moments de bonheur, «mais je pense toujours à ce qu'il y a derrière».

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