Evidemment, vous regardez ses doigts. Les deux pouces et l'index gelés sur la banquise. Il faisait moins 65 degrés. Mike Horn avait mis trop de temps à refaire son lacet. Furieux de s'être laissé pren dre, il avait dû se faire rapatrier pour la première fois depuis qu'il joue les aventuriers en solitaire. Les extrémités des phalanges sont comme rabotées. Elles saignent encore à demi, mais il repart au pôle ce week-end sans attendre la cicatrisation définitive.
Il y a aussi le majeur sectionné. Blessure de guerre, du temps où le jeune Sud-Africain blanc intégrait les forces spéciales, faisait du renseignement de l'autre côté des lignes ennemies en Angola. Il se justifie : «La guerre ne m'intéressait pas. Personne n'a jamais gagné une guerre. C'est l'aventure qui me plaisait.» Il est fier d'avoir toujours réussi à ramener vivants ses subordonnés noirs. Il dit : «Je n'étais pas un bon militaire. J'étais trop calme, pas assez agressif, trop libéral dans mes idées.» Mais, il ne renie en rien l'intensité et la gravité d'alors : «J'avais 18 ans. ça m'a rendu responsable. ça m'a appris le respect pour la vie. ça m'a fait comprendre que je ne voulais pas crever. Depuis, je sais ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Ce qu'il faut apprendre et ce qui ne sert à rien.»
Mike Horn a descendu l'Amazone à la nage, a fait le tour de la terre le long de l'équateur à pied, en VTT et en bateau à voile, et s'apprête désormais à cercler autour du pôle, en marchant, en skiant, en pagayant. Il