Elle est belle au point de subjuguer la police israélienne et de réduire les tirs et les barrages à néant, lorsqu'elle traverse à pied, lentement, en robe rose et avec arrogance, un check point fermé. C'est une scène marquante d'Intervention divine, le dernier film d'Elia Suleiman, mais elle est tirée de la vraie vie de son interprète, Manal Khader. «C'était il y a dix ans, j'avais un rendez-vous à Jérusalem, le barrage était fermé, j'étais dans un taxi, le chauffeur m'a suppliée de ne pas descendre, mais j'étais tellement en colère que je n'ai pas obtempéré.» Quitte à être tuée. Elle sourit : «Bien sûr, j'étais beaucoup moins fière que dans le film. Seuls mes cheveux bougeaient de manière insolente, si bien qu'une fois le danger passé, je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer la formidable publicité pour shampooing que cette scène constituerait !»
Durant le tournage qui commence au début de l'Intifada, Manal Khader n'a pas renouvelé l'expérience pour tester sa vraisemblance, bien que sa beauté soit toujours aussi impressionnante. «Aujourd'hui, même le Messie ne parviendrait pas à traverser un check point clos.» Manal Khader a ce mélange de distance et de drôlerie qu'on retrouve dans le film d'Elia Suleiman, et qu'on qualifie souvent d'humour juif. Un sens de l'absurde, une présence réservée qui laisse percer une sollicitude et une gentillesse. Sage comme une image, elle attend les questions. Garde-t-elle le pouvoir de partager le silence avec ses interlocuteurs, comme dans le fi