Ses mains. D'abord, on ne voit qu'elles quand il parle. Sans doute parce qu'instinctivement, deux outils de cette puissance, on se dit qu'il vaut mieux garder un oeil dessus. Deux masses musclées et pourtant légères, qui tournent, s'ouvrent et se ferment, montent et descendent, virevoltent. La démonstration terminée, les deux mains de François Garelli s'avancent, écartées, paumes vers le haut. Alors, on regarde l'homme dans les yeux, et c'est un bleu limpide qui vous empoigne.
Quand il s'est approché de la barre des témoins, au procès des meurtriers présumés de son fils Christophe, la cour d'assises de Bastia s'est figée. En Corse, c'est bien connu, «tout le monde se connaît». Chacun sait donc que l'agriculteur aubergiste de Venzolasca n'est pas du genre «aqua en bocca» (bouche pleine d'eau). Sur le continent, on dirait qu'il ne mâche pas ses mots. Comme deux rocs, ses épaules se sont calées entre le public et la présidente. «Comment peut-on se dire nationaliste et tirer dans le dos d'un Corse dans une ruelle sombre ? Il faut être un sacré lâche.» Là, le grondement sourd de sa voix s'est fait roulement de cailloux dévalant la montagne. «Ceux qui ont tué mon fils sont des bêtes. J'ai honte d'être Corse ! Mais la justice ? Elle n'est pas mieux ! Quand les gendarmes amènent les renseignements, quand toute la Corse connaît les noms des tireurs et qu'on ne les arrête pas... Que faut-il comprendre ?» Il a regardé la présidente droit dans les yeux et sa voix est devenue tonnerre : «