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Portrait

Homme de peine

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Omar Raddad, 40 ans, Marocain. Condamné puis gracié pour le meurtre de Ghislaine Marchal, attend toujours un nouveau procès.
publié le 5 février 2003 à 22h07

Il marche sur un trottoir de Toulon, poings enfoncés dans les poches et tête baissée, suivi par des dizaines d’yeux. «Je le sens», dit-il avec un petit sourire. Le poids des regards qui transpercent, la curiosité de tous ceux qu’il croise, l’interrogation au fond de chaque prunelle, c’est son quotidien. Son espoir, car l’opinion publique est son dernier recours. Et son fardeau à perpétuité. Une belle-soeur lui a conseillé de raser sa moustache. Il a répliqué : «Je suis Omar Raddad.» Omar le jardinier, condamné jusqu’à nouvel ordre pour le meurtre de Ghislaine Marchal, gracié par Jacques Chirac. Qui continue de se dire innocent.

Son procès en 1994, «c'était le monde à l'envers». Omar ne parlait pas le français comme aujourd'hui. Le président Djian, qui parlait arabe, avait cité un proverbe : «Celui qui ne sait ni lire ni écrire doit se cacher au fond d'un trou.» «Pourquoi se cacher ?» avait répondu l'accusé illettré. Pourquoi raser cette moustache ? Un jour peut-être, s'il est réhabilité. C'est son obsession, qui l'empêche de dormir et de manger. A 40 ans, Omar est maigre, il a le teint gris, les cheveux plus poivre que sel, les traits chiffonnés : «Je suis obsédé. Je fume beaucoup, je ne mange pas, l'affaire tourne en permanence dans ma tête. C'est sans répit.» «Il a souvent l'air infiniment triste » dit Sylvie Lotiron, journaliste qui a écrit un livre avec lui (1), sans parvenir à percer la carapace. «Il est pudique, respectueux. Exprimer un sentiment, une émotion avec des m

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