Ils supplient. La success story, le scénario édifiant, «c'est pas nous». Leur aventure, la victoire à un contre mille de l'Art et Essai sur les multiplexes en province, ils n'ont «pas fait exprès». Les cinémas sans pub, la VO dans les villages, José Bové et les collectifs de prisonniers à l'entracte, seraient une recette de terroir, «juste ce qu'on avait envie de faire». A Toulouse et Saint-Ouen-l'Aumône, à Bordeaux et Tournefeuille, une soixantaine de salles en tout, leurs cinémas s'appellent Utopia, «un truc qu'on n'atteint jamais». Des lieux «de culture et de contestation», «foyers d'agitation gauchiste», comme a dit Alain Juppé à Bordeaux. Quoi qu'ils en disent, c'est un succès. «Collectif», insistent-ils. Michel Malacarnet et Anne-Marie Faucon voudraient un portrait à dix têtes sans une qui dépasse, s'entasser comme des ados dans une cabine de Photomaton. Continuer de rêver sur leur planète baba cool, où l'argent et les élites restent dans le rang. Surtout pas poser à monsieur et madame en patrons bobos.
Elle est une grande rousse volontaire qui rigole tout le temps, coiffée à la Jeanne d'Arc depuis toujours. Lui sourit peu. Baraqué, tout en jean, il fait semblant d'avoir 58 ans. Stéréotypes de baby-boomers qui n'ont pas bougé depuis leurs 20 ans, quand il était interdit d'interdire. «On est des partenaires, des gens qui se font du bien, mais pas un vrai couple», précise Anne-Marie. Ils se sont rencontrés au casino municipal d'Aix-en-Provence un après-midi des années 60.