Voulez-vous lire votre destin lorsqu'il s'écrit dans une omoplate de mouton brûlée à feu doux près de Oulan-Bator ? Reprenez un peu de cette omelette aux oeufs de fourmis rouges. Vous aimez l'exotisme, l'aventure, les personnages outrageusement romanesques ? Vous connaissez Tiziano Terzani ?
On a pu le rencontrer à Saigon, en 1975, pendant la chute de la ville. Le bestiaire des journalistes internationaux avait séparé l'hôtel Continental en deux camps. D'un côté, ceux qui pleurent «la victoire des termites rouges» contre les troupes américaines. De l'autre, ceux qui fêtent la «libération». C'est parmi eux qu'il faut chercher Terzani, reporter débutant. «Grande gueule. Belle gueule. Une diva avec une curiosité de prédateur, dit Léopold de Stabenrath, écrivain-voyageur. ll se voyait de loin, rayonnant dans cette atmosphère de fin d'un monde, l'air de l'avoir attendue depuis toujours.»
A l'époque, par temps de guerre, «on s'amusait follement comme journaliste», continue Charles-Antoine de Narciat, de l'AFP. Lui a sympathisé avec Terzani dans le Cambodge des Khmers rouges. «On partait en opération du beaujolais au ceinturon. On revenait avec de belles histoires. Le soir, on se retrouvait à la fumerie d'opium au milieu de planteurs de caoutchouc.» Les tourmentes, les lumières d'apocalypse, Terzani les aime follement, à en tomber malade physiquement quand le canon s'arrête. Il dit : «Je croyais que la guerre était la confrontation la plus extrême où chercher la vérité.» Il s'arrête.