Pour débusquer la misère, Daniel Steyaert a ses «ruses». L'alcoolisme c'est «l'oeil jaune, un peu long à la détente». Le surendettement : «Je regarde s'il manque des meubles, mais parfois ils sont tellement bon marché que les huissiers n'en veulent pas.» Les problèmes de santé ? «C'est plus facile, les gens en parlent spontanément.» Il déballe ça d'un ton allègre. Drôle de bonhomme que ce rouquin à la moustache taillée au cordeau, ex-agent de maîtrise à l'usine textile Mossley à Lille, balancé référent social chargé du suivi des licenciements avec pour seul bagage psychologique un CAP d'électricien automobile. «Des amis me demandent si je n'en ai pas marre de cette misère», embraye-t-il. «Mais la misère, je m'en nourris.»
On le croise une première fois en janvier. Une conférence de presse pour la prévention du suicide, les interventions patinent. «Dany le rouge II», surnom hérité de l'usine, s'empare du micro. Il est là pour parler de ces salariés qui «coulent à pic» après un plan social. Il connaît son affaire, il a lui-même été «saccagé comme une chaussette». Viré du jour au lendemain avec les 122 autres salariés de l'usine Mossley, placée en liquidation judiciaire avant l'été 2001. «Il y a ceux qui tombent d'un coup. Un copain, il a perdu sa main dans une machine, puis son boulot, son logement. Il a voulu se jeter de la cheminée.» Silence. «Il y a ceux qui y vont plus lentement. Le matin, bière à la place du café. Le midi, apéro. Puis bière. Le soir, ils ont fini le pack,