Pour écrire une chanson, c’est comme pour tout, il faut oublier qu’on l’écrit. Gribouiller d’abord sur des papiers volants, de qualité médiocre, vaguement colorés, qui n’en imposent pas. Des papiers qui ne vous ramènent pas immédiatement à votre situation de chanteur-auteur-compositeur-interprète qui décide lui-même des arrangements et dont les disques se vendent pour le moins à 100 000 exemplaires et pour le plus à 200 000. Ne pas penser à l’aboutissement puisqu’une chanson peut vous trotter dans la tête pendant plusieurs années avant de prendre son indépendance. Ne pas perdre immédiatement la feuille, en dépit de sa modestie, donc la ranger parmi d’autres. Thomas Fersen classe les papiers volants dans de gros blocs d’administration «impersonnels». Il y en a beaucoup à la fois, qui prennent de la place, car, durant les premières étapes, une chanson a tendance à s’éparpiller en diverses directions sans prendre la forme d’une petite boule «cohérente», «ponctuée», «de même couleur». Sur des Post-it, il note «des thèmes», par exemple «Bambi».
Thomas Fersen habite un quartier où les poubelles sont remplies de trésors. Inutile d'être cambrioleur, dès que les gens sont las de leurs colliers de perles et de leurs meubles en acajou, ils les jettent, si bien qu'on ne peut pas faire autrement que de les ramasser. Chez lui, il y a de très jolies commodes. Par un effet de perspective, le pied de la tour Eiffel bouche l'entrée de l'avenue où il habite. On ne voit qu'elle, menaçante, tel u