Juju a vieilli, Juju aimerait vieillir bien. A force de tourner en rond, il se croyait toujours jeune. Les premiers pas à la Ligue, dès 14 ans, les crocs qui s'aiguisent à l'Unef, la réputation qui s'acquiert à SOS Racisme, et la forme qui s'entretient, toujours «un pied dans le mouvement» : d'une «bande» à l'autre, d'une manif à l'Assemblée, Julien Dray reproduit la même aventure depuis plus de trente ans. Elle se décompose en quatre temps : intuition, construction, diffusion, scission. Et puis un jour, à la veille de Noël, une artère se bouche, les séjours à l'hosto commencent, les pilules encombrent une étagère du bureau, une «épaule déconne» à cause d'un faux mouvement, bref, Dray s'aperçoit qu'il se «passionne encore pour des questions qui ne sont plus de [son] âge». Agitateur depuis quarante-huit ans, il se résout donc à s'acheter une conduite.
Passé un peu vite de l'adolescence contestataire à la précinquantaine (presque) établie, il veut mûrir. Il serait temps. Jusqu'ici, sa vie militante est une ordonnance. Il s'avoue «franchement schizo», en député du pouvoir courant les manifs quand il ne monte pas des mouvements contre les gouvernements qu'il est censé soutenir. Il n'écarte pas un soupçon de «parano», convaincu qu'il est que beaucoup, à commencer par Jospin, lui en veulent. Enfin, il finit par s'admettre un rien «maso», lui qui ne peut s'empêcher de fanfaronner quand il est acculé : «Mon côté pied-noir, je tends des bâtons pour me faire battre.» Hypocondriaque, Dr