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Libération
Portrait

Un agent troublé

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publié le 18 avril 2003 à 22h53

Dans sa poche, il n'y a rien qu'une feuille de papier demi-format pliée en quatre et déchirée à force d'avoir été manipulée. C'est sa condamnation à mort : il devait être pendu ET fusillé, parce que son cas était grave. Il était tenu de l'avoir sur lui jusqu'au dernier moment. Après son exécution, la feuille aurait dû être remise à sa famille, en guise de certificat de décès. Il ne s'en sépare jamais et, quand on lui demande ses papiers, il la sort en guise de carte d'identité. C'est devenu son viatique, la preuve de son existence et de ce qui lui est arrivé.

Le 1er juillet 1994, Abdallah Mohamed Rostom al-Jaf a traversé le miroir. Il était officier de police, capitaine au sein de la Sûreté générale, un homme respecté, craint même, qui avait le pouvoir de délivrer ou de refuser les passeports, ce sésame indispensable pour quitter l'Irak. C'est justement parce que son frère Haïdar s'est enfui d'Irak sans passeport ni visa, pour rejoindre l'opposant en exil Ahmed Chalabi, que la vie d'Abdallah a basculé dans le cauchemar. «C'était d'autant plus grave que j'étais un fonctionnaire et que je travaillais pour l'appareil de sécurité», explique-t-il. Parmi les cinq frères Al-Jaf restant en Irak, la machine étatique s'est vengée sur celui qui lui avait justement voué la plus grande partie de sa vie. «Jamais je n'aurais imaginé ce qui pouvait se passer dans mon pays. L'Irak, c'était comme un paquet-cadeau avec un cadavre à l'intérieur. J'avais entendu parler des ongles arrachés, de la