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Libération
Portrait

Boss des maths

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publié le 28 mai 2003 à 23h09

"Le cerveau ne sait pas l'âge qu'on a." L'adage est de Jean-Pierre Serre, 77 ans aux prunes. Et lancé de son canapé, en direction du journaliste qu'il a, d'autorité, assis à son bureau, «puisque vous allez prendre des notes». Délicat de résister à un mythe vivant, il est «le» mathématicien des cinquante dernières années. Finalement l'adage serrien est vrai. La preuve ? Jean-Pierre, Albert, Achille, Serre, le 3 juin, recevra au Royaume de Norvège le premier prix Abel (1) une sorte de Nobel distinguant un mathématicien «pour l'ensemble de son oeuvre». Or, Jean-Pierre Serre «continue d'épater ses collègues», assure Michel Broué, directeur de l'institut Henri-Poincaré. Selon lequel «le premier prix Abel ne pouvait être que lui». Car Serre est l'archétype du mathématicien : pur, exact, et un tantinet enfantin.

De surcroît, il dure. «Imaginez un Mozart ­ élégance, profondeur ­ qui aurait vécu longtemps», ose Michel Broué, disciple et ami. Pourtant, il a démarré tôt. «Déjà, je rédigeais comme il faut le faire.» Jean-Pierre Serre vient de répondre à cette question : «Que reste-t-il du petit garçon qui s'amusait à faire des maths ?» chez papa et maman, pharmaciens nîmois. Et de sortir d'un meuble à tiroirs métalliques sa copie du concours général de 1944. Reçu premier, bien sûr. L'année suivante, il intègre l'Ecole normale supérieure. Y rencontre Henri Cartan, son directeur de thèse, et s'impose dès 1948 au groupe Bourbaki qui va refonder les mathématiques. Sprinter précoce, il est «p