Avril 1997, dans le Pas-de-Calais. La confection continue sa mort lente. Les ateliers délocalisent la fabrication en Tunisie ou en Indonésie. A Béthune, Artois Confection s'apprête à fermer, Isabelle Souillart et des dizaines d'ouvrières sont mises dehors.
Six ans plus tard, à 15 kilomètres de là, à Noeux-les-Mines, Isastyl, une entreprise de confection qu'Isabelle a créée avec quinze collègues, toutes des ouvrières licenciées comme elle, a plus que doublé le nombre de ses employées. Six ans que, peu à peu, à l'approche de la quarantaine, Isabelle Souillart, ouvrière et issue d'un milieu ouvrier, apprend son rôle de chef d'entreprise. Patron pour l'extérieur, chef de tribu pour ses salariés.
Elle a l'habitude des tribus. Avec ses trois soeurs, elle a grandi dans l'arrière-boutique de la boulangerie du grand-père, à mettre la main à la pâte dans les odeurs de pain chaud. Aider aux cuissons, aux livraisons avec la mère, entassées dans la camionnette sur les petites routes du Nord. Les cousins, les oncles, la mère, le père, tous réunis le dimanche chez les uns, chez les autres. Chez Isastyl, on perpétue la tradition. La soeur aînée est au montage des prototypes, la cadette à la coupe et Isa belle à tous les postes : réparatrice de machines, manutentionnaire, VRP, PDG. Son ancien patron d'Artois Confection, «sévère mais juste», lui avait appris la polyvalence et donné des responsabilités. «Quand je lui ai parlé de mon envie de remonter un atelier de confection, il a été très choue