Il bute sur le mot. «Précarité ? Je l'entends souvent, mais je ne comprends pas bien de quoi il s'agit. Précarité, pour moi, c'est les 10 % de prime en bas de ma fiche de paie.» Kamel est intérimaire depuis six ans. Il vient d'achever une formation de chauffeur poids lourd, égrène ses missions, pour une journée, pour une semaine, sur le bitume autoroutier. Et refuse tout CDI, l'emploi permanent en entreprise. «En intérim, si tu n'as pas envie de travailler aujourd'hui, tu ne travailles pas. Tu n'as pas de patron pour t'engueuler. Et puis il n'y a pas de routine : tu vois des têtes différentes, des métiers divers... Je n'aime pas être bloqué à un endroit.» Surtout : «Je n'ai pas fait d'études mais je gagne deux fois plus que ma soeur, bac + 2, qui travaille à la Poste.»
Le cliché rabattu de «génération zapping», Kamel le revendique. «C'est bien, le changement.» Il est pourtant loin de l'écervelé aux cheveux enduits de gel qui ne sort qu'en «tribu» et communique par texto, vendu dans les pubs. Loin aussi de l'image cathodique du jeune à casquette et ghetto blaster. Kamel écoute Aznavour et les Rolling Stones comme IAM, les rappeurs marseillais. Estampillé des trois bandes Adidas sur la poitrine, mais lesté de chaussures bateaux bleu marine.
En six ans, Kamel a accumulé les «boulots de chien» dégotés dans l'agence d'intérim proche de son quartier de la banlieue de Lyon, Vaulx-en-Velin. Dans une usine de recyclage de vêtements, il abreuvait une machine de vieux habits légués à Emm