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Portrait

Woody Allen, prince sans rire

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A 68 ans, aimable, fatigué et richissime, l’archétype new-yorkais du cinéaste névrosé pose à présent en honnête père de famille.
(REUTERS/Vincent Kessler)
publié le 23 octobre 2003 à 1h31

Dans un film de Woody Allen, nous aurions papoté dans Central Park, quelques joggers passant par là, nos rires fondus enchaînés aux notes d’un saxophone des années quarante. La vie aurait été un roman de Celluloïd.

La «vraie vie» est une autre histoire. L’œil flou derrière ses verres de myope, le monsieur semble s’excuser d’être le sosie de Woody Allen. Pendant toute une heure, figés sur des fauteuils de chintz fleuri, nous avons échangé beaucoup de mots, mais pas un regard. Deux personnages pris dans la toile, le Ritz pour décor. Il tend l’oreille et fixe ses étranges chaussures rouges. Il est aimable et fatigué.

Dans son dernier film, Anything Else, Woody Allen joue un passeur déjà de l’autre côté de la vie. En vieux paranoïaque, il tire les ficelles d’un séduisant pantin de presque cinquante ans son cadet (Jason Biggs), amoureux d’une bombe sexuelle frigide (Cristina Ricci). Woody Allen aurait préféré être Jason, «vivre avec Cristina» et confier son rôle à «un excellent acteur». Mais l’âge s’est imposé, dans la vraie vie comme dans la fausse. Impossible, à 68 ans, de continuer à «jouer le jeune amoureux». Et lui, inséparable de sa famille désormais, ne s’y verrait pas davantage : «Je préfère éviter ça maintenant. Pour avoir beaucoup vécu ce genre d’expérience, je peux vous dire que c’est une grosse perte de temps : un jour de plaisir pour 29 jours de mal à la tête et au cœur.» Vieillir est «moins drôle mais plus calme». La pa