Menu
Libération
Portrait

U.S. et coutumes

Article réservé aux abonnés
publié le 24 octobre 2003 à 1h32

Il y a une photo d'elle et Mike Tyson sur le bord de sa bibliothèque. L'écrivain et le boxeur. La femme et l'homme. La Blanche et le Noir. La toute frêle et le tout en muscles. L'image raconte des contrastes. Des apparences. Simple pose pour le magazine Life, qui ne trahit rien. Ni les souvenirs de Joyce Carol Oates, que son père emmenait, gamine de 10 ans, voir les combats de boxe. Ni surtout les capteurs dans chaque pore de sa peau, ses tentacules invisibles qui lui font probablement sentir la sueur du champion à l'insu des flashes, écouter son pouls, ses pensées, lui font deviner l'homme sous l'icône. Lui font écrire, depuis trente-cinq ans, des livres qui transpercent les masques, les costumes (à part celui de Superman qui ne l'intéresse pas), les conformismes de l'Amérique. Font d'elle une institution littéraire en son pays, qu'elle capture et livre tout entier, âmes mises à nu et tripes à l'air.

Joyce Carol Oates est femme en trompe-l'oeil. Une fluette lady plus grande et plus réfrigérante que prévu, qui poudre généreusement ses 65 ans et devant laquelle ses proches n'osent pas un juron, pas un gros mot. Et puis aux heures de l'écriture, comme d'autres à celles de la pleine lune, elle est sorcière, ogresse qui recrache vies, enfances, émotions, violences, crimes, amours, fantasmes, frustrations, souvenirs, jusqu'à la nausée. Blonde, quelque mille pages, deux ans de recherche et de travail, roman cousu à même la peau de Marilyn Monroe, est à ce jour son plus gros succès.

Les plus lus