Il prend le foulard que lui tend la vieille dame, y essuie la sueur de son front, le lui rend. Sur la scène de l'Olympia, les spots mauves donnent à son brushing de crooner des reflets irisés. Les synthés s'emballent, une voûte étoilée s'embrase. Il chante : «Après tant d'années d'amour, qu'il est doux de te dire encore, que je t'aime toujours, que je t'aime encore.» Face à lui, des rangées de cheveux argentés (90 % de femmes, toutes debout) ondulent. La vieille dame se rassoit, une autre la remplace. Nouveau foulard, et un bouquet de fleurs en offrande : des roses teintes en bleu.
Deux heures plus tard, les septuagénaires sont toujours en transe. Ballotins de pâtes de fruits et carnets d'autographes en main, elles l'attendent à la sortie des artistes. Lui, leur «vedette» : Frank Michael, une des figures les plus déconcertantes de la variété française. 50 ans, un charisme d'écureuil, une voix qu'on jugerait quelconque sans cet accent italo-belge involontairement comique mais... près de 15 millions de disques vendus en trente ans de «carrière», des albums qui ne s'écoulent pas à moins de 300 000 exemplaires, des tournées de centaines de salles pleines à craquer. Succès d'autant plus ahurissant que le «chanteur des amoureux» reste quasiment inconnu du grand public. «On dit que je suis un phénomène, murmure-t-il. Parce que je vends des millions et que je ne passe pas à la télé.» Soupir. «Les médias me trouvent ringard.»
La tête dans son sac à la recherche de cigarettes, il redema