Devant les filles trop belles, il tourne les talons. Voilà l'orgueil des timides, de l'hidalgo floué, la fierté de se recroqueviller sur soi plutôt que de ne pas être jugé à sa valeur. Au sein de Téléphone pourtant, elles le regardaient autant que le chanteur. Dans le premier groupe de rock français, c'était le guitariste mutique, la longue silhouette à boucles noires, un ersatz de Keith Richards, l'indispensable homme secret des Stones.
Louis Bertignac et Jean-Louis Aubert se croisent au lycée Carnot, s'observent dans un magasin de musique pour finir douze heures plus tard par jouer ensemble. Une bassiste maoïste (Corine Marienneau) et un batteur de Vince Taylor (Richard Kolinka) les rejoignent. Mais l'esprit communautaire de la maison des débuts à Saint-Cloud ne résiste pas aux luttes à mort d'un succès leur réservant trois concerts à Bercy juste avant la séparation. Et leur histoire d'amour se dilue dans un indicible courant fielleux. Problèmes de droits d'auteur, d'argent, donc de reconnaissance. Louis : «Nous n'étions pas un groupe de grands musiciens, mais de gens qui s'aimaient avec de l'énergie à revendre, qui s'oubliaient pour tout donner à l'entreprise.» Corine : «Dès qu'on est passés du «nous» au «moi, je» sont apparus le désamour, la frustration, la rancoeur. C'était à qui écrirait le plus de chansons. Car les chansons, c'est des droits d'auteur. Soudain, Louis a eu l'impression de devenir le superguitariste de Jean-Louis. Il avait beaucoup d'idées de riffs, mais