Elle arrive bardée de sacs, un dans chaque main, et un sac photo en bandoulière. Le maquillage discret, les cheveux miel, des bijoux de valeur. Elle enfile la tenue réglementaire et monte à l'étage où un homme attend . Elle lui trace sous l'oeil une demi-lune au stylo feutre. L'homme est prêt, il s'endort. Elle se saisit d'une seringue et injecte méthodiquement un mélange à base de sérum dans la zone délimitée. A l'aide d'un bistouri, elle pratique une entaille au ras des cils. Elle écarte la peau et extrait une à une trois petites poches jaune d'or : «Vous ne pouvez pas imaginer la quantité de graisse qui loge à cet endroit. Il faut faire attention à ne pas en enlever trop, sinon la paupière devient creuse.» L'assistante demande si elle doit mettre de la musique. On n'est pas dans Nip/Tuck. Sylvie Abraham n'a d'ailleurs jamais vu la série télévisée qui met en scène deux chirurgiens esthétiques à Miami. Ce ne sera pas les Rolling Stones mais Così fan tutte, sous la direction de Karajan. Pour recoudre, elle réclame du fil invisible : «Les hommes y sont très sensibles.»
Si elle devait faire un autre métier, Sylvie Abraham serait psychanalyste. «Mais ce que je fais n'en est finalement pas si éloigné.» Après ses études de médecine, elle a volontairement prolongé son internat de deux ans et tâté de tout en matière de chirurgie : cardiaque, hépatique, pulmonaire, digestive, orthopédique. Elle s'est aussi intéressée à la gynécologie, à l'urologie, et quand elle était de garde, elle