Elle a choisi de travailler «au bout du maillon». Elle dit : «Après nous, il n'y a rien.» Elle le dit joyeusement : «C'est extraordinaire lorsqu'on parvient à ce que quelqu'un de totalement disloqué, retrouve figure humaine.» Sur sa blouse, comme sur celle de tous ses collègues, il y a écrit au feutre rouge et en petits caractères : «En grève». Comme les autres, elle est à son poste. «On ne peut pas abandonner les malades à eux-mêmes. Faire grève consiste à bloquer les admissions.»
Josette Van de Kerkove est infirmière psychiatrique à l'unité des malades difficiles (UMD) de Henri-Colin, au centre hospitalier Paul-Guiraud de Villejuif. «Malades difficiles» est un euphémisme pour qualifier des personnes qui ne peuvent rester ni en prison ni en service psychiatrique de secteur, en raison de leur dangerosité pour eux-mêmes ou pour les autres. Autrefois, on disait aliénés criminels. Infanticides, meurtriers, cannibales, violeurs : «Il y a foule pour aller à Henri-Colin, depuis la suppression des lits en hôpitaux psychiatriques et en raison de la difficulté de soigner en prison les détenus avec des troubles mentaux ingérables.» Les patients hospitalisés à l'UMD il y en a quatre en France ont pour point commun d'être passés à l'acte. « La souffrance est immense lorsque le traitement médicamenteux fait tomber le délire, et que le malade reprend contact avec la réalité. Ne serait-ce que la semaine dernière, on a retrouvé une mère infanticide, toute bleue. Elle tentait de s'étrangl