Le canapé de cuir n'est pas assez profond pour accueillir toute sa fatigue. Steve Buscemi est visiblement vanné. Il a franchi le cap fatidique de l'interview de trop. Combien lui sont passés dessus en deux jours ? Vingt-cinq ? Plus ? Quand on lui propose, en dernier recours, de faire ça au soleil, dehors, il répond par un sourire las, sa main essaye d'attraper la tasse de café et c'est un peu l'énergie du désespoir au travail. Dehors, il paraît plus décavé encore, comme si une maquilleuse s'était emparée de lui pour tester une nouvelle crème de jour à base de Lexomil broyé. Sa dentition tient par miracle, ses cheveux sont si fins qu'ils menacent de tomber, le regard est pâle, pénétrant et craintif à la fois. Il est moins grand qu'on ne l'aurait cru, mais encore très impressionnant. Dans la cour, une jeune femme lui trouve un petit air Klaus Kinski/Nosferatu. Avant d'ajouter : «Qu'est-ce qu'il est sexy, c'est la folie !»
Steve Buscemi est sans doute l'acteur au monde qui jouit du plus grand capital de sympathie. Votre cousin qui ne jure que par les grosses machines hollywoodiennes l'a adoré dans Armageddon. Son petit frère qui aime le cinéma américain performant et classieux sait que, de Tarantino aux frères Coen en passant par Jarmusch, Tim Burton, Tom DiCillo, Scorsese, Ferrara, Carpenter, Buscemi est un corps indispensable à la famille indépendante. Leur soeur, âme littéraire qui a vu ses deux premiers films, l'envisage comme un Bukowski délavé, un doux bizarre, très à part