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Portrait

Sempé, croque-messieurs

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A 73 ans, le dessinateur, créateur du Petit Nicolas avec René Goscinny, tire depuis un demi-siècle des portraits ironiques de ses contemporains.
publié le 29 novembre 2005 à 4h42

Une brasserie à l’heure du coup de feu : éclat des voix, cliquetis des couverts. Au mur, un écriteau: «Le seuil de tolérance de son personnel ayant été atteint, la direction demande à son aimable clientèle de n’utiliser qu’en cas de nécessité absolue les mots “récurrent”, gratifiant” et “obsolète”, ainsi que les verbes “gérer” et ”assumer”. Merci.» Description sommaire d’un dessin de Sempé, qu’on vient de laisser en bas de chez lui à Montparnasse, après un bon repas dans un restaurant bruyant. Une semaine plus tard, on se retrouve, cette fois pour pique-niquer dans les jardins du Luxembourg. Dans cette oasis ponctuée de bustes de gens qui furent célèbres, où gravitent moineaux, vieilles dames, enfants, canards et baby-sitters, assis sur des chaises métalliques sous de hautes frondaisons, on se sent doucement aspiré dans une double page de notre interlocuteur. Où de minuscules personnages, englués dans leur contingence, refont le monde avec une emphase aussitôt disqualifiée par l’immensité du cadre qui les entoure.

Exposé dans le monde entier, publié par les grands hebdos, toujours sollicité pour les couvertures du New Yorker, la bible des cartoons et de la littérature, Jean-Jacques Sempé jouirait, s’il était japonais, du statut de Trésor national vivant. Ce depuis le début des années 60, où il est entré dans la légende avec les Aventures du Petit Nicolas, fomentées avec le regretté Goscinny.

Plus épingleur de travers qu’essuyeur de tempêtes, Jean-J

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