Il est rentré à Clichy-sous-Bois un jeudi. Le lendemain, il a disparu pendant trois longues heures. On l'a retrouvé hurlant à la mort devant le commissariat de Livry-Gargan. Il avait refait le chemin à l'envers, longé le site EDF, traversé le parc, frôlé du souvenir le terrain de foot, et l'ultime partie avec Bouna et Zyed. Il pleurait face à la police. On l'a ramené chez lui, allée Victor-Hugo. Rez-de-chaussée. Hall vert qui s'écaille. Appartement impeccable, bouquets de fleurs en tissu et de petites soeurs, et au fond, derrière une cloison dans le salon, un lit superposé, le coin du fils aîné. L'hôpital Rothschild qui avait soigné ses brûlures a faxé une ordonnance à la pharmacie de Clichy. Muhittin Altun prend aujourd'hui des anxiolytiques à haute dose.
Sa capuche, ses écouteurs qui débordent de rap, ses yeux très noirs, dessinent un portrait robot du jeune de banlieue, où la rétine française veut voir dérives et crimes, passés ou à venir. Deux traits verticaux lui barrent le front, c'est plus qu'une mine de petit dur, on dirait deux coupures. Il fronce les sourcils. Il ne tient pas en place. Il se lève, tourne en rond, se rassied, propose d'enlever son blouson, son sweat-shirt, pour montrer les pansements sur ses bras, ses cuisses, son dos. 10 % de son corps a été grièvement brûlé, on lui a greffé de la peau. Il entend des doutes : «Y a des gens qui disent : "Comment t'es sorti de là-bas ?"» Ces mots, c'est surtout sa peine de survivant qui les lui souffle. Il n'a pas réu