Il y a le foulard sur ses cheveux et sur sa nuque, reflet du corset musulman. Il y a le kimono blanc ceint de noir, tenue de karaté, art de la main, école de volonté et de combat. Et puis il y a Zohra, qui ne comprend pas notre étonnement à voir marier les deux, le bleu sur sa tête, le blanc sur son corps poings en avant. Elle a 16 ans, elle est afghane, née en Iran, terre d'exil de ses parents, elle est de retour à Kaboul depuis deux ans.
Séance d'entraînement, un dojo parisien du XIVe arrondissement. Son père est assis sur le bord du parquet, manteau et barbe grise. Il prend des photos. Deux de ses filles figurent parmi la poignée de jeunes Afghanes venues témoigner plus que concourir à l'Open international de karaté. Silhouettes frêles aux grands yeux volontaires. Zohra enfile les gants. Prend la position. Yeux fixes de combattante. Son «kiai», cri diffuseur d'énergie, n'a rien de timoré. Il emprunte aux voyelles et au volume des jeunes filles. «Elle sait qu'elle joue quelque chose bien au-delà du karaté» explique Laurence Fisher, championne du monde 1998, partie entraîner les filles à Kaboul avec l'ONG Sports sans frontières. Mais Zohra ne le dira pas. Elle dit peu de chose, en fait. Elle garde ses distances. Elle laisse parler son jeune corps que l'éloignement a préservé.
Elle est née à Racht en Iran, «à cause de la guerre». Aînée de cinq filles d'une maison qui conservait les rites afghans, parlait le dialecte dhari, et n'oubliait rien des origines tadjiks (de la région