«Alors, comment ça va la France ? Je suis toujours le diable là-bas chez vous ? L'ogre Tourabi, le pape de l'islamisme ?» La boutade d'accueil se termine dans un chuintement bizarre, un rire de méchant de cinéma, dents serrées, comme Grosminet quand il croit enfin tenir Titi dans ses griffes. Il serait presque déçu qu'on lui réponde non, qu'il ne fait plus vraiment peur, qu'on l'a même un peu oublié. Dans la famille de l'islamisme radical, Hassan al-Tourabi est désormais le grand-père un peu excentrique et radoteur. Tourabi ne fait plus vendre : trop intello, trop noir, trop sophistiqué, trop marginal. Et puis le Soudan, c'est si loin, si compliqué...
On aurait tort de négliger Hassan al-Tourabi : la mécanique intellectuelle est toujours aussi rutilante. Certes, il n'est plus l'éminence grise du régime soudanais, qui invitait à Khartoum le ban et l'arrière-ban de l'islamisme mondial pour des raouts annuels. Des plus radicaux aux plus modérés, ils étaient tous là : les Américains de Nation of Islam, les Algériens du FIS, les Palestiniens du Hamas, les Libanais du Hezbollah, les Egyptiens radicaux, et aussi d'autres, moins connus mais appelés à un grand avenir, à commencer par Oussama ben Laden. Banni d'Arabie Saoudite, privé de sa nationalité, il a trouvé à Khartoum le refuge et le couvert, sinon plus, de 1992 à mi-1996. «Oussama ? Je le connais à peine. Je ne l'ai rencontré que deux fois, dont une chez moi. Ici, il était bien intégré, accepté, mais on le voyait peu. Sa sociét