Suspension d'audience aux assises de Créteil, janvier 2006. Les avocats sortent à enjambées hâtives, robe noire sur le dos, téléphone à l'oreille. Maître Hubert Delarue manque soudain lâcher le sien. Devant lui, se dresse un mur de micros et de caméras. «C'est pour moi ?» Un journaliste : «Maître, votre client a essayé de se suicider.» Son client ? Titi ? Titi, que Delarue défend pour deux braquages, six morts, une centaine d'euros de butin ? Titi, dans son pull bleu trop vif étant données les circonstances : perpétuité réclamée ? Titi, qui n'a pas dit un mot de la matinée, mais n'avait pas l'air suicidé pour autant ? «Comment ça, Titi ?», s'étrangle Delarue. Un autre journaliste : «Non, pas lui. Votre client, l'huissier Alain Marécaux.» Des curieux s'attroupent autour de Delarue. «Regardez, c'est un "avocat-d'Outreau", comme à la télé.»
D'un coup, c'est comme si vingt-six ans de barreau et ce qu'il est convenu d'appeler à Amiens une solide réussite était engloutie par une seule affaire et que Delarue lui-même ne pouvait désormais plus être désigné que par cette périphrase : «avocat-d'Outreau». Delarue a 56 ans : «Heureusement que ça m'arrive tard.»
A Amiens, entre cathédrale et palais de justice, le cabinet Delarue est une de ces maisons sérieuses qu'on se recommande, comme on le ferait pour «LA» bonne pâtisserie de la ville. Ici, les visites aux détenus sont assurées avec régularité, les dossiers travaillés bien avant qu'il ne soit trop tard, et on vous annonce les honoraire