Par les temps qui courent, il serait presque soulagé. Qu'enfin ça pète, que la figure du Prophète dessine le visage intolérant de l'islam, que les Arabes et les juifs se haïssent à découvert, que la République française n'ait d'autres choix que de reconnaître son échec. Ainsi, il se sent moins seul, avec son histoire et ses désillusions. La preuve, après enquête et recoupements, le voilà dans le journal.
Messaoud Bouras a apostasié l'islam, le Prophète, et le temps passant, tous ses adeptes. Il n'a pas vu ses enfants depuis deux ans. Ils vivent à Roubaix, là où il naquit, grandit et milita. Il n'y met plus les pieds. «Mon divorce a pour origine l'intolérance religieuse.» Il est au chômage. Il a les joues creuses, les yeux brillants chapeautés d'épais sourcils, des mots gonflés par la douleur, parfois tentés par la provocation. Il respire les combats perdus. Et s'il écrit un jour son histoire, il l'appellera : les Musulmans m'ont tué.
Chapitre I. Messaoud naît à Roubaix, de parents kabyles venus en France au début des années 60. Il est l'aîné de neuf enfants. Le père est ouvrier teinturier du textile, chez Caullier et Delaoutre, musulman classique qui fait la prière et le ramadan, la mère est pieuse et (alors) sans foulard. La famille, installée dans le quartier populaire de l'Alma, prêche le sérieux et le respect à ses enfants. Messaoud est fragile, il fait des bronchites à répétition, il est régulièrement hospitalisé. A 6 ans, il est donc mis dans une école spécialisée, pas à