Vient l'heure du régisseur dans le haut-parleur : «Mesdames et messieurs, le spectacle commence dans trente minutes, nous vous souhaitons une bonne soirée.» Dans sa loge, le comédien, imperturbable et pas encore costumé, finit son histoire : «...Alors en arrivant au lycée, j'ai chopé le premier que j'ai vu de ma classe, je lui ai dit : "Tu sais quoi ? Je vais être acteur ! Ñ Pourquoi tu me dis ça à moi ?" il m'a répondu...»
Drôle comme le compte à rebours avant le lever de rideau se laisse oublier, comme Frémont parle, insiste, s'anime des mains jusqu'aux pieds, comme rien ne s'efface du premier soubresaut, de sa rage au matin d'une nuit tourmentée d'adolescent mélancolique. Vingt années de métier ont passé, poli le trac, les habitudes, mais pas le souvenir.
Thierry Frémont n'est plus un forcené. Longtemps, sur les tournages, il a réclamé de nouvelles prises pour tromper l'angoisse. «J'ai appris le lâcher prise.» Les rôles et la reconnaissance vite obtenus lui ont fait du bien. La psychanalyse aussi. «Il y a un moment où il a fallu vraiment, je voulais tellement que tout soit parfait que j'étais paralysé. En interview, je voulais être brillant, alors j'étais torturé, tendu, je ne disais rien. J'ai appris à m'en foutre.» Il a appris à se calmer, pas à s'en foutre. Plus qu'une vingtaine de minutes avant les trois coups au Théâtre Hébertot... Il déchire une enveloppe posée devant la glace, elle contient les mots d'un admirateur qui n'a pas trouvé mieux qu'un chèque pour écrire se