Tout le monde a l'air de s'en foutre parce qu'il y a longtemps qu'on n'attend plus la vague écologiste, et aussi parce que, à l'affiche, y a de l'action avec bazooka et mâles aux dents longues, Villepin versus Sarkozy, ou une comédie bourgeoise dans l'air du temps, Ségolène et les garçons, grain de sable féminin dans la machine. Chaussons pourtant un instant des lunettes roses et regardons mieux ces deux Verts qui se disputent l'investiture présidentielle. Elle affiche son pragmatisme d'ex-ministre. Lui s'est découvert Cassandre, prophète d'une catastrophe énergétique. Elle : «Je le trouve grandiloquent et pompeux, lui me trouve émotionnelle.» L'attaque ressemble à une vanne. Il a une voix de stentor, elle sait être directe et agressive. Mais entre eux, ça se passe gentiment, et pas autrement. Lui : «La haine, les entourages s'en chargent. Nous, on s'aime.» Il ne faut pas croire que la fibre écologiste rende plus doux ; chez ces gens-là, on se déteste comme ailleurs. Mais entre ces deux-là, il y a une longue histoire. La leur, et aussi celle des Verts, rejetons brouillons de l'après-68.
Lui : «Mais alors on la fait people ?» Un peu, forcément. Ils se sont connus à l'aube des années 80, au sein de ce qui s'appelait encore les Amis de la Terre. Elle est de l'Est, lui de l'Ouest. Il y a au début de leur vie militante des manifs aux abords de centrales nucléaires, à lui Malville, à elle Fessenheim, à lui le nitrate de Bretagne, à elle les camps militaires et leurs missiles enfoui