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Libération
Portrait

Tenir deux bouts

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publié le 30 mai 2006 à 21h23

Des comme elle, il y en a près de deux millions en France. Souvent ce sont elles que l'on montre du doigt : celles qui «n'ont plus d'autorité», qu'on accuse d'être «démissionnaires», larguées, qu'on rappelle à la «responsabilité parentale». Celles à qui on n'envoie pas de fleurs ­ sauf peut-être le jour de la fête des Mères. Les «fa-mi-lles-mo-no-pa-ren-tales». En 1975, elles représentaient moins de 10 % de l'ensemble des familles. Aujourd'hui, 17 %. Dans 86 % des cas, les enfants restent avec la mère. Joëlle vit seule avec ses deux enfants, de 19 et 14 ans. Elle habite dans un village d'Ardèche aux vieilles pierres. De sa fenêtre, on voit les Cévennes.

Elle se prépare une cigarette avec du tabac à rouler. Ses cheveux raides et bruns tombent sur ses épaules. Elle est habillée de lin. Ses yeux sont légèrement maquillés. Aucun laisser-aller. Si ce n'est un trou dans la bouche, à la place d'une dent. C'est tout ce qui manque à son sourire. Elle tient son relevé de compte entre les mains. Elle en connaît les chiffres par coeur. Chaque ligne sent l'effort et la restriction. Voilà ce qui peut s'additionner : 800 euros net de salaire par mois. 300 euros de pension alimentaire. 150 euros d'allocations familiales. Cela fait 1 250 euros mensuels. Voilà ce qu'il faut retirer : 154 euros de loyer, 111 euros d'EDF, 23 pour l'eau, 51 d'assurances, 21 pour les mensualités de la redevance et de la taxe d'habitation. Plus, les commissions bancaires. Au total, elle en a pour 495 euros de charg

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