A travers la fente bleue des yeux, Jacques Floch scrute les 29 autres députés, assis en arc de cercle. Les caméras se bousculent, la commission sur l'affaire d'Outreau, qui a bouleversé l'opinion, entame six mois de travaux dans un air saturé d'émotion. Floch est tout à fait immobile, c'est le seul peut-être. Il a l'impression que la plupart de ses collègues ne connaissent la justice qu'à travers un divorce ou une contravention. «Ils vont découvrir un monde glauque, où des gens peuvent mentir. Sans risques.» Nous sommes en janvier dernier.
Floch a 68 ans, il est socialiste, député de Loire-Atlantique. Le samedi, il y a de bonnes chances de le trouver au fond du jardin, retournant les côtelettes sur le barbecue ou bêchant un plant de tomates. Après, il ira chez Bricorama et, entre les rayons, il en profitera bien sûr pour serrer les mains de quelques électeurs. Depuis trente ans, Floch n'a jamais perdu un scrutin et, dans Rezé, sa ville qui borde Nantes, il peut dire qui vote quoi, rue par rue. «L'élu qui ne regarde pas ces détails est un nul. Ça montre aussi les problèmes : pourquoi un immeuble s'abstient et pas l'autre ?» La carrière de Floch dans la République a l'allure solide et bonne fille de ces Marianne en plâtre dont le buste trône dans les mairies.
Au sein de la commission parlementaire pourtant, Floch a une longueur d'avance sur les 29 autres : il a eu son «affaire», celle qui a fait basculer sa vie, son Outreau à lui. «Il lui en est resté quelque ch