Santiago Amigorena a la beauté d'un souvenir aménagé. Il est argentin, il est français. A 44 ans, il étend la grâce myope d'une jeunesse qui ne fuit pas entre les deux cultures. Des lunettes à monture d'une finesse presque ostentatoire font le point. Mais quel point ?
Quand il est arrivé en France, il avait 10 ans, six d'Argentine et quatre d'Uruguay. A Paris, «il pleuvait. Il a plu pendant dix ans». A 21 ans, à l'occasion d'un chagrin d'amour, il retourne trois mois en Argentine. Est-il argentin, est-il français ? «Je pensais que j'étais argentin. Mais, quand je suis arrivé là-bas, j'ai senti que je ne l'étais plus ; et, en Uruguay, que je n'étais plus uruguayen ; en France, plus français. On ne perd pas le goût d'être ceci ou cela. Ce qu'on perd, c'est le fait d'être entier.»
Il flotte dans son grand loft, loué au pied de Belleville, comme un mannequin dans un kimono de verre et de bois. On y entre par le bureau à taille de double salon. Borges observe, près d'une lithographie de Michaux. Le matin, l'auteur boit du maté, l'infusion argentine, dans l'espace vidé par le beau. Ses amis le disent : il esthétise comme on herborise, sur le chemin, au gré des rencontres, par nature et par culture. Il est facile de le trouver agaçant ; mais ce qu'il a d'un peu trop stylé, trop à la mode, est relevé par ce qu'il a de délicatement déplacé.
L'élégance de sa haute silhouette et la finesse androgyne de ses traits allègent les lieux familiers où il évolue. Par le dépôt de sa