«Monsieur Pollack est fatigué. Il aura un peu de retard.» Prélude classique aux rencontres transatlantiques. La raison du coup de pompe l’est moins : c’est Sydney Pollack qui pilotait l’avion. Quarante années l’ont conduit de brevet en brevet, et aujourd’hui le cinéaste américain peut sillonner la planète à bord de son jet privé. De quoi aiguiser les qualités d’endurance, de rigueur et de précision qui forment la part raisonnable de cet homme de 72 ans, par ailleurs incurablement sympathique. «Voler, ça m’oblige à retourner à l’école, c’est bon pour maintenir en forme les vieillards comme moi», lance-t-il enfin en guise de bonjour. Los Angeles-Deauville (festival du film américain), avant escale à la Cinémathèque, où l’on honore l’un des derniers héros indépendants à Hollywood, l’homme aux dix-neuf films.
Certes, son cinéma semble en roue libre depuis vingt ans : trop de bon goût, trop professionnel, trop facile. Havana, Sabrina, Out of Africa, l'Ombre d'un soupçon, l'Interprète, rien de passionnant depuis les mémorables Tootsie, les Trois Jours du condor, Yakuza, Jeremiah Johnson ou On achève bien les chevaux, qui firent de lui l'un des cinéastes excitants des années 70. Sans parler de son chef-d'oeuvre, Bobby Deerfield (1977), avec Al Pacino presque impassible, Marthe Keller poignante, l'un des films les plus mélancoliques de la décennie dorée du cinéma américain. Pollack s'est depuis confortablement installé dans l'easy cinema.<