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Portrait

Hors-champs

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publié le 15 septembre 2006 à 23h17

Qu'a-t-il écrit dans son agenda à la journée du 7 septembre, jour de notre passage ? Probablement qu'il faisait beau, qu'une brise soufflait nord-est, que quatre personnes de plus sont passées le matin. Qu'ensuite une journaliste et un photographe sont venus de Paris. Il tient la comptabilité du succès, comme naguère il le faisait des récoltes et de la traite des vac ­ le patois de La Hague ne chuinte pas. Il empile des dizaines d'agenda dans des boîtes. C'est «le fourbi à Paul». Il y a même ajouté un bloc, orange en couverture, réservé aux nouvelles additions. Août : 373 visiteurs. Depuis le mois de mai, 836 personnes se sont arrêtées à Auderville, chez Paul Bedel.

C'est comme ça depuis le film. Drôle d'histoire, ce film de Rémi Mauger. Documentaire diffusé en deux parties sur France 3 Normandie, il prit du galon sur France 3 national, il est devenu un film de cinéma cette année. Le nombre de copies est en augmentation. Ça s'appelle Paul dans sa vie.«J'étais pas allé au cinéma depuis cinquante ans, j'y suis retourné pour voir ma tronche.»

Paul Bedel a 76 ans. Il n'a pas un, mais dix visages. Les sillons laissés par les années, les souvenirs, le travail aux champs, le rire et la peine le dessinent changeant. Ses deux yeux sont très bleus, son nez grand. Il est voûté aussi : «Je suis crochu, il y a une chanson comme ça sur les crochus de La Hague. Ici, quand on marche le vent dans le nez, on se baisse.» Nous avons marché avec lui. Au fil des p

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