Un sourire comme un beau masque. Il y entre la prudence des réflexifs, la timidité des laconiques et le brio hésitant des séducteurs aussi efficaces que peu flambards. Franck Cammas sourit souvent, et cela le dévoile moins qu'on pourrait le croire. Ces sourires, c'est comme s'il s'excusait d'aller plus vite que la musique, comme s'il voulait qu'on oublie son faufilage en douce dans un monde qu'il surprend par son sérieux et son absence d'états d'âme. Favori de la Route du rhum, Cammas est un marin de la nouvelle génération, à savoir un sportif revendiqué et un technicien appliqué. Et son pragmatisme perturbe un univers qui a la nostalgie des aventuriers bouffés par le sel et des naufragés d'eux-mêmes, dresseurs de chimères aux yeux aigue-marine. Il y avait l'impossible mimique de Tabarly, gêne et refus de s'exposer mêlés. Il y a, toujours, les saillies perspicaces de Kersauson, qui font rire les autres et le dérident à peine. Et puis les gouailleries en cascade d'Arthaud, les pirouettes de lutin de Peyron... Désormais le temps est venu des sourires rapides, modernes et enfantins de Cammas.
Les marins sont réputés ne pas aimer l'eau. Pourquoi s'échiner à nager quand jamais on ne rattrapera le bateau qui vous a jeté bas ? Pourquoi vivre d'eau fraîche quand il fait si bon au bistrot du port, les jours où le vent souffle dehors ? Cammas, lui, ne lève pas le coude et fut un bébé nageur qui s'envoyait ses rasades de chlore régulières et fit une jeune carrière en la matière. Surtout