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Libération
Portrait

En son absence

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publié le 27 janvier 2007 à 5h41

C'est un bloc de douleur sourde, un amas de colère rentrée. Eric Mouzin fait tout pour contenir la tempête intérieure qui l'agite. Il s'exprime avec précision, d'une voix lente, monocorde, entrecoupée de silences. Quand le sujet blesse, son visage devient grimaçant. Ses lèvres ébauchent un sourire tordu et figé. Il peut discourir longtemps sur le plan alerte enlèvement, ce dispositif dont il a prôné la création avant tout le monde et qui a été déclenché ce mois-ci par deux fois. Il n'est «pasdupe» des arrière-pensées politiques qui peuvent motiver «sa répétition pas toujours justifiée». Mais il se referme dès qu'il est interrogé sur lui-même ou ses proches.

Ce n'est qu'après une heure d'entretien qu'il évoque sa fille. Celle qui hante ses nuits, celle dont la voix résonne lorsqu'un enfant crie dans la rue, celle qui fait brutalement sentir son absence devant un paysage trop beau. «C'est la première chose que je me dis : "Elle n'est pas là pour voir ça."» Quand il se promène, il sent la main d'Estelle dans la sienne. «Ce sont des impressions à la fois fortes et insupportables. Comme quand vous vous réveillez en pleine nuit en disant : "Ce n'est pas possible, j'ai fait un cauchemar à la con. Estelle est à côté, tout va bien." Et puis, non, non, ce n'est pas vrai. Vous êtes sûr que vous ne vous rendormirez plus.»

Estelle Mouzin a été vue pour la dernière fois le 9 janvier 2003 un peu après 18 heures, devant la boulangerie de Guermantes, un villa

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