Il ne vous saute pas au cou, Gregory David Roberts, mais aux yeux. Une approche animale qui harponne et fixe le regard, à la Hannibal, version Antony Hopkins. Les préliminaires sont aimables et dérangeants. Dans ses iris vert-de-gris flotte encore le bleu d'une anxiété délavée. On y lit des tempêtes en souffrance, un venin endormi, quelque chose du passé pas digéré. Douceur dingue et pure violence sont chez lui pacsées, mais pas canalisées. Lui, avant, c'était un bandit. Un shooté à l'héroïne et au crapuleux, un saigneur à qui l'on a fini par faire coaguler un passé noir écarlate au mitard. Roberts désormais, c'est Shantaram. Une littérature polar d'aventurier taulard, cassé, damné, dont la trame serait cousue au fil de ses rebuts et brodée autour de dix années de cavale, dans les entrailles poisseuses de Bombay.
Dans la séduction pure, il balance ses phéromones, comme un tanker en pleine mer dégazerait. Sur le spray de son parfum Givenchy très bois de fer et cristaux de benjoin, l'Australien n'appuie pas qu'à moitié. Il a des airs d'Iggy Pop, un mètre quatre-vingt-cinq de muscles et de nervosité, le torse taillé en V, les mains qui se recroquevillent machinalement en poings serrés. Des cheveux très fins, très longs, blond vénitien et détachés. Chemise noire baillant sur une chaîne lourde à maillons argent. Boutons de manchettes en forme de coeur, pantalon noir, raccord couleur avec les santiags. A la ceinture, il arbore un lézard en strass. «Totem aborigène, di