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Libération
Portrait

La fin de l'exception juive

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publié le 28 février 2007 à 6h21

C'est un vieil homme en colère. Un octogénaire svelte au regard clair, au pas alerte, qui, après avoir été une éminence grise de l'intelligentsia française, s'est retiré de toute vie éditoriale il y a seize ans. Un retraité qui est sorti de son silence il y a quelques semaines en publiant dans leMonde une tribune sévère contre l'un de ses vieux amis, le linguiste Jean-Claude Milner, celui-là même qui vient de se distinguer en qualifiant d'antisémite un livre de Pierre Bourdieu. «Jean-Claude s'est enfermé dans une défense du sémitisme qui, à mon sens, ne peut qu'avoir des effets catastrophiques. L'essentiel de mon texte, c'était l'affirmation que la persécution des Juifs est une persécution comme les autres.» Un vieil homme qui voudrait ramener un peu de raison dans le débat si sensible de ce qu'il appelle «la mise en exception des Juifs».

François Wahl reçoit à la campagne. Dans la grande pièce du rez-de-chaussée baignée par la lumière des hautes fenêtres, il y a une cheminée avec des bûches qui brûlent, des meubles en bois de style rustique et aucun livre. «Je les cache. Mais si je vous montre mon bureau là-haut, vous verrez ce que c'est qu'être envahi par les livres.» Pendant trente-cinq ans, il a été l'éditeur et l'ami des plus grands : Barthes, Lacan, Ricoeur, Sollers, Dolto... et Milner. De Barthes, dont on redécouvre qu'il avait donné sa bénédiction aux Nouveaux Philosophes, il dit : «Roland avait horreur des conflits. Il se défenda