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Libération
Portrait

Montre sacrée

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publié le 3 mai 2007 à 7h32

La vie d'un homme est le récit qu'il finit par s'en faire. Parfois, elle se résume à un instant, le plus beau risque qu'il a pris. Ce qui précède semble annoncer son destin, ce qui suit en est l'ombre. Pour Claude Neuschwander, le destin, ce fut Lip. De 1974 à 1976, le jeune publicitaire à gueule d'avenir et de médiation, membre de la CFDT et du PSU, dirigea l'usine horlogère de Besançon avant d'être révoqué par celui qui l'avait mis en poste : Antoine Riboud, patron de Danone-BSN. Un documentaire de Christian Rouaud, les Lip, l'imagination au pouvoir, a fait remonter la madeleine. On y voit une épopée sociale prise en main par quelques hommes d'exception. Neuschwander, 73 ans aujourd'hui, y fait un bras d'honneur à Riboud, mort : Lip est son honneur et son amertume. «L'avoir dirigée, dit-il, ça donne sens à une vie définitivement. C'était une occasion fabuleuse pour un homme de montrer ce qu'il a dans le ventre.» Une aventure ? «Non. Une mission.»

Choisi par quelques patrons modernisateurs et le PSU de Michel Rocard, «Neusch», comme beaucoup l'appellent, devait redresser l'usine que ses ouvriers avaient occupée et sauvée. Il échoua, ou on le fit échouer : avis partagés. Pour les uns, il a «planté» l'entreprise en réembauchant trop de salariés, en commettant des erreurs de stratégie industrielle. Pour d'autres, sa tentative fut tuée par la droite giscardienne, les horlogers réactionnaires et un patronat soumis au gouvernement. La réalité paraît plu