«Cela ne vous dérange pas si je m'assieds sur un prie-Dieu ? Cela choque parfois de vieilles personnes.» Sans génuflexion ni simagrées, Fabienne Boulin-Burgeat cale ses fesses au fond du siège en satin beige, dos contre le montant de bois, à l'aise sur ce meuble de grenouille de bénitier de sa grand-mère. Elle ne croit plus trop en Dieu, pas plus en la justice et pas du tout dans la droite qui n'a plus «rien de gaulliste» : «J'ai toujours voté pour mon père, puis après pour la gauche.» Energique et volubile, cette petite bourgeoise blonde en tenue sage corsage vert chamarré et pantalon noir porte un drôle de collier en corne et des lunettes rectangulaires violettes tout aussi inattendues. L'ultime héritière d'un combat familial réclame à la justice une enquête fouillée sur «l'assassinat» de son père, le 30 octobre 1979, pour qu'il ne soit plus jamais dit : «Par une belle après-midi d'automne, Robert Boulin s'est suicidé.»
Elle lit à haute voix les confidences élogieuses du Général sur feu Robert Boulin, quinze ans ministre entre 1961 et 1979. Elle peste contre les écrits d'Alain Peyrefitte qui fait passer son père «pour un minable». Elle reprend les mots de Jacques Chaban-Delmas, «ce monsieur charmant et très beau» qui la faisait sauter sur ses genoux en Gironde, pour fustiger l'ancien garde des Sceaux Peyrefitte. Elle en a parlé à Philippe de Gaulle qui venait dîner chez ses parents boulevard Maillot et l'impressionnait