Eric Cohen affirme que, pour lui, «le mot deuil ne signifie rien». Dans les jours qui ont suivi la mort de son fils, il a enlevé toutes ses affaires, toutes ses photos du petit appartement de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). En trois ans, «il est allé deux fois au cimetière», dit Caroline, sa compagne. Pourtant, toute l'existence actuelle d'Eric Cohen est percluse par la disparition et le manque de Mickaël, 19 ans, noyé par cinq mètres de fond dans la Marne, le 10 avril 2004, sous les yeux de la police qui le poursuivait pour un tag sur un mur antibruit.
Il y a trois ans, au terme d'une première rencontre, on l'avait laissé figé dans l'attente infernale d'une reconstitution et des résultats de l'enquête de l'IGS (Inspection générale de services, la police des polices) sur la conduite de dix policiers mobilisés nuitamment pour interpeller deux grands adolescents tagueurs. Enfermé dans sa gangue de chagrin, avec son visage en lame de couteau, le cheveu ras, le poil dru. On retrouve cet artisan serrurier et cordonnier aujourd'hui au chômage, les mâchoires serrées, sentinelle sur le qui-vive de sa propre humeur, guettant un accès de rage ou une attaque de larmes. Il reçoit toujours dans sa cuisine en vous donnant du «monsieur», comme si vous étiez sur l'autre rive, celle des vivants dont l'existence n'a pas été «massacrée» parce que leur môme «a été traqué, débusqué comme du gibier de BAC [brigade anticrimnalité, ndlr] pour un gribouill