Il porte le pouvoir en sautoir et fricasse à l’envi ce bonheur de diriger, d’impulser, de trancher. Alain Ducasse, 66 ans, a constitué un empire culinaire sur lequel le soleil se couche rarement. Il supervise 34 restaurants dans neuf pays. Son domaine est constellé d’une vingtaine d’étoiles Michelin. Cela fait de lui un exigeant maréchal de ces logis qu’il visite régulièrement. Il ne se cache pas de n’y cuisiner jamais. Il monte les projets et drague les financiers, supervise les menus et laisse à ses chefs exécutifs le soin d’astiquer les passe-plats. Il se revendique chasseur de toques et DRH, dénicheur de talents et agrégateur de commis, heureux de promouvoir des bosseurs et de sanctionner les branlotins et les rêveurs qui se laisseraient aller à une mélancolie pas son genre.
Attablé en salle, Ducasse se contente de goûter. Il est fier de ses papilles absolues où se gravent comme sur un disque dur la mémoire du moindre amuse-bouche. Ces temps-ci, il reconnaît rechercher «l’amer, l’acide, les aspérités». Il a échappé au Covid-19 et à l’agueusie qui parfois l’accompagne. Il a une santé de fer qu’il soigne à base de plantes. Le soir, dès qu’il le peut, ce père de quatre enfants fait maigre pour reposer son palais et dégorger son foie. Il dort peu et se réveille doutes envolés et décision prise