Elle aurait presque un faux air de Patti Smith avec ses longs cheveux bouclés qu’elle n’attache jamais, fidélité à la contre-culture américaine dont elle est issue. A 87 ans, Carol Gilligan est une figure majeure de la pensée mondiale, pieds nus dans ses Birkenstock, visage sans maquillage et magnifique sourire. Bien avant #MeToo, cette psychologue américaine a écouté et cru les femmes et les adolescentes. Pas leurs conversations d’épouses parfaites et de petites filles modèles, mais cette voix intérieure qui les empêche d’énoncer tout haut ce qu’elles pensent tout bas. Et leur fait dire «qu’elles ne savent pas» alors qu’elles savent très bien. «Parler est une chose, être entendue en est une autre», dit Carol Gilligan. En ce mois de mai, elle a traversé l’Atlantique, accompagnée de son mari, 88 ans, psychiatre de renom, pour participer à un colloque organisé à la Sorbonne autour de son dernier livre. «J’ai un job de rêve, dit-elle tranquillement installée dans le lobby de son hôtel germanopratin. A l’université de New York, j’enseigne deux séminaires par an : l’écoute radicale et résister à l’injustice. Il n’y a pas de limite d’âge aux Etats-Unis!» Après l’interview, elle ira visiter le Louvre avec son mari, alter ego d’une vie. «Nous sommes mariés depuis 1960, plusieurs mariages en un ! Nous devrions entrer au musée d’histoire naturelle !»
C’est justement en développant cette «écoute radicale», où elle substitue le jugement à la curi