Il pense ne pas avoir sa place dans cette page, demande, voix raide au téléphone : «Que viendrais-je faire, moi, à 95 ans, entre les célébrités ?» Charles Dreyfus porte une histoire et une mémoire infiniment précieuses en cette époque ténébreuse. Il est le petit-fils de celui qui a, bien malgré lui, incarné l’horreur de l’antisémitisme, marqué à jamais la République et convaincu le père du sionisme, Theodor Herzl, d’œuvrer à la création d’un Etat juif. Seuls les spécialistes de l’affaire Dreyfus le connaissent et les présidents qui, depuis François Mitterrand, l’ont tous approché.
L’héritier, distant avec la communauté juive, n’a jamais cherché les honneurs. Mi-novembre, il s’est fondu dans la foule qui a manifesté contre l’antisémitisme, loin des caméras et des politiques. La veille, Emmanuel Macron avait encore salué le courage d’Alfred Dreyfus et envoyé son ministre de la Défense lui rendre hommage à l’Ecole militaire. Le capitaine, devenu symbole ultime de l’injustice, n’en finit pas d’être cité pour le meilleur… et le pire. De Benyamin Nétanyahou se comparant à lui, il y a quelques années, pour se dédouaner de ses affaires, jusqu’à l’islamo