Ivry-sur-Seine, Val-de-Marne, un mercredi de mars gris et nuageux. L’un des deux seuls jours de la semaine où Claude Mangin peut espérer entendre la voix de son mari, incarcéré au Maroc depuis quinze ans. Elle a réactivé la sonnerie de son téléphone, redoutant de ne pas pouvoir profiter de ce précieux moment. Ce matin-là, Naâma Asfari, militant de la cause sahraouie, se fait attendre : vingt minutes de silence de plus que d’habitude. Un numéro «inconnu» s’affiche enfin. «Salut, j’ai rêvé de toi. Tu faisais du parachute, je te regardais de loin. Tu avais l’air heureuse», entame celui qui purge une peine de trente ans de réclusion, prononcée en 2013 par un tribunal militaire de Rabat, pour association de malfaiteurs, outrage et violences à fonctionnaires publics ainsi qu’homicides volontaires. Une condamnation qui repose sur des «aveux extorqués sous la torture», selon le Comité des Nations unies contre la torture. A ses côtés, dans la prison de Kénitra, un gardien francophone écoute chaque mot échangé. «C’est bon signe, ça veut peut-être dire que tu vas bientôt être libéré», veut croire son épouse, à plus de 2 000 kilomètres de la cellule qu’il partage avec cinq codétenus. «Inch Allah», répond-il.
C’est depuis la banlieue sud de Paris, que Claude Mangin, 68 ans, mène depuis des années un combat acharné pour libérer son compagnon. L’histoire du couple est intimement liée à celle du conflit au Sahara-Occidental, cette bande désertique coincée