La scène dure une poignée de secondes mais elle prend aux tripes. Les deux femmes s’avancent dans une forêt verdoyante. La vieille dame à la chevelure immaculée s’appuie sur une canne, et sur la frêle adolescente qui l’accompagne. On aperçoit les ruines d’un bâtiment en brique, autrefois le Block 7 du camp allemand de Dora. Là où Jean-Pierre Catherine, le frère de Colette, dormait à même le sol, sans couverture. La voix de la nonagénaire tressaille. Dans un sanglot, elle demande : «Pourquoi on n’a pas ramené des fleurs ?» Sa jeune compagne lui tend un mouchoir. Le duo repart bras dessus, bras dessous, les yeux humides.
Colette Marin-Catherine n’a pourtant pas la larme facile. Elle est plutôt du genre à fuir les effusions de bons sentiments. L’ancienne résistante vient de fêter ses 93 ans. Le même jour, à Los Angeles, le documentaire Colette recevait un oscar. Celui du meilleur court métrage documentaire, remis à la productrice française Alice Doyard et au réalisateur américain Anthony Giacchino. Un cadeau inhabituel qui n’a pas l’air de trop perturber la nonagénaire normande, rencontrée après la récompense dans son appartement de Caen, où elle vit depuis trois décennies. «Je suis ravie pour tout le monde, mais pour moi, ça ne change rien. Je ne suis rien, juste le fil conducteur !» euphémise-t-elle, élégante dans sa longue robe d’intérieur en satin, «achetée 10 euros chez Emmaüs». Son port est altier malgré sa minerve, stigmate d’un grave accident