J’ai attendu longtemps pour passer un moment en tête-à-tête avec Dany Cohn-Bendit. Et pourtant, depuis ce joli mois de Mai 68 qui commence férocement à dater, je professe à l’égard du rouquin rieur une attention qui se double parfois d’une exigence exagérée et une affection non dénuée de perplexité. Et nous voilà face à face, et cela me rendrait presque tout chose si j’étais encore un cœur tendre. Un peu comme de se retrouver face à son passé idéalisé et à ses espoirs déçus, face à un grand frère qui a toujours été le petit dernier et ne sera jamais une ombre tutélaire.
Physique. Dany aura 80 ans, ce 4 avril. Et ça fout un coup à ses cadets, dont je suis, tant il a incarné la jeunesse confiante d’un monde décontracté qui n’aurait jamais imaginé aller à sa perte. Il était secoueur de sermonneurs et casseur de conformistes. Le voilà vieillard tout à fait gaillard et grand-père multiculturel qui négocie avec ses petits-fils pour suivre le match des Bleus quand eux préfèrent soutenir la Mannschaft. Il ne joue plus au foot, s’est mis à la marche et au vélo. Il a survécu à deux cancers, thyroïde et vessie, et porte une prothèse à chaque hanche. Mais la silhouette a peu changé. Il ose toujours ce petit bedon qui signe l’hédoniste. Il est plus ramassé que imaginé, tant les écrans élargissent les épaules de ceux qui y plastronn