On ne va pas se mentir, Delaf, votre coupe de cheveux, c’est Tintin, n’est-ce pas ? «En fait, on m’a souvent dit Spirou. Enfant, j’étais tout roux. Vous n’avez pas remarqué qu’un certain nombre de héros de l’univers Spirou étaient roux ? Boule de Boule et Bill, mais aussi Moizelle Jeanne, mais aussi l’ami dessinateur de Gaston.» Tiens, tiens… Parlez-vous donc de prédestination ? «Haha.» Plus sérieusement, jusqu’où une œuvre peut-elle déteindre sur son lecteur ? Devant nous, un quinqua androgyne, juvénile, presque sans âge, avec un nez tout rond, deux billes bleues pour les pupilles, un air gentil comme le pain, une absence d’esprit de sérieux, et donc cette petite houppette blonde-rousse. Seuls deux grands cernes sous les yeux, un accent canadien et un goût prononcé pour la satire attestent que Delaf n’est pas directement sorti d’une planche du Journal de Spirou, mais est bien un humain, c’est-à-dire, un être un peu fatigué et qui revient de loin.
Attention, le dessinateur québécois est avant tout «ravi» de pouvoir enfin présenter le premier album des aventures de Gaston Lagaffe depuis vingt-cinq ans, mais un peu vanné, oui : «Quatre ans de travail pour 44 pages, c’est vraiment la limite.» Surtout, quatre ans dont plusieurs mois à attendre l’issue d’une zizanie retentissante survenue en 2022 où ont fusé des mots comme «violation du droit moral», «plagiat»…